Cinéma




"Être à l'image c'est être reconnu"
Mahamat-Saleh Haroun, réalisateur tchadien

Idrissa à la caméra, Thomas et Mickaël au son
              ETAPE 2 / 2012              

OUAGADOUGOU
Un groupe de 10 débutants le matin, un groupe de 5 avancés l'après-midi. Voilà comment se décompose l'atelier cinéma, version 2012. Après une première semaine consacrée à l'apprentissage de notions théoriques, les groupes de travail se sont formés. Au total, 4 films seront produits. Une fiction autour du thème de l'inceste, une autre sur la lutte d'un mari pour que sa femme accouche dans les meilleurs conditions, un documentaire sur le métier de forgeron aujourd'hui (en voie de disparition avec la modernité), et le portrait de l'artiste plasticien burkinabé Sahaab Koanda. Après avoir réfléchi et défini les sujets de leurs films, les stagiaires ont passé une semaine à écrire leurs films. Les scénarios des fictions, rédigés avec le soutien de notre ami réalisateur Salam Zampaligré, sont beaucoup plus poussés et précis que l'année passée. Ce qui laisse augurer de bons films, si les comédiens sont à la hauteur. Il ne faut toutefois pas oublier que réaliser un film en trois semaines est un vrai challenge, d'autant plus quand ils sont réalisés avec les moyens du bord. A suivre donc... 
Concernant les documentaires, les premiers rushes du portrait de l'artiste sont prometteurs. L'autre documentaire sera plus amateur étant donné le niveau des participants et les difficultés d'approche du sujet. C'est ainsi qu'on se rappelle que l'objectif premier de ce projet est de s'exercer, de réaliser un film de A à Z, et non de pondre un chef d'oeuvre. En trois semaines c'est impossible. 
Il reste maintenant aux différents groupes à achever le tournage, et à monter leurs films. Nous sommes à mi-chemin. A suivre...



KOKOLOGHO 



              ETAPE 1 / 2011              

KOKOLOGHO / du 15 mars au 14 mai

En ce qui concerne le cinéma, nous avions demandé à travailler avec des jeunes de 15 à 25 ans. C’est ainsi qu’une cinquantaine de jeunes se sont inscrits pour participer aux ateliers. Etant donné la situation politique actuelle (cf article sur le climat pré-révolutionnaire du Burkina dans la section Carnet de Voyage), de nombreux jeunes travaillent dans les champs avec leurs parents ou sont partis de Kokologo rejoindre de la famille dans d’autres régions, ce qui fait que le nombre de participants a été réduit à une quarantaine de jeunes.
Pour animer les ateliers, Brahima, étudiant et membre d’ADRI, me soutient dans la logistique et l’organisation des séances. Nous avons répartis les jeunes en 3 groupes de 10/15 personnes en fonction de leurs âges.
Lors de la première séance en présence de tous les participants, j’ai expliqué le déroulement et l’objectif des ateliers. Beaucoup pensaient qu’ils allaient avoir une formation d’acteur, et devenir les nouveaux héros de séries télé. C’est pourquoi il a fallu bien spécifier que l’objectif initial était d’apprendre à réaliser un film, c’est à dire écrire un scénario, tourner le film puis le monter sur l’ordinateur. Tout en excluant pas la possibilité que pour les jeunes qui choisiraient de réaliser une fiction, il faudrait qu’ils trouvent des acteurs, et donc que certains d’entre eux pourraient s’essayer au jeu d’acteur.
Nous avons également commencé à évoquer la différence entre le film de fiction et le film documentaire. Ce dernier reste un genre assez méconnu, même en Occident où l’on assimile souvent le documentaire au seul film animalier. Ce fût le cas également à Kokologo. Après quelques explications et échanges entre eux, les participants ont pu voir un exemple de film documentaire non animalier, ils ont pu ainsi percevoir la réalité de ce type de film.
Patougwendé au clap
Répartis par équipe de 4 lors de la première séance, les élèves de première ont choisi des thèmes engagés et difficiles à traiter : la tyrannie du pouvoir, le problème de la déforestation et le bienfait du respect des traditions. De plus, les trois groupes ont choisi de traiter ces thèmes à travers la fiction, malgré la mise en garde et les difficultés que nous avions évoqué précédemment ensemble à réaliser une fiction (trouver des acteurs, des décors, travail d’écriture plus conséquent…). Mais j'ai choisi de ne leur imposer ni un genre (fiction/documentaire), ni un thème. Ils ont une totale liberté dans ces choix principaux. En effet, le but de ces ateliers est que les jeunes s’initient à l’audiovisuel, apprennent un nouveau langage, appréhendent les possibilités créatives de l’audiovisuel. Même si nous ferons de notre mieux pour faire un travail de qualité, ces films resteront des films d’ateliers réalisés avec peu de moyens et surtout en peu de temps, dans un contexte peu enclin à la qualité (problème d'électricité, pas d'acteurs professionnels dans le village, d'autres priorités existent : le travail au champ, les études…).
Néanmoins, les jeunes sont très réceptifs et intéressés par le cinéma qu’ils ne connaissent qu’à travers les films hollywoodiens de seconde zone et les tele-novelas qui passent à la télévision. Le but est de leur montrer que l’on peut fabriquer d’autres sortes d’images, même avec des moyens réduits et que le cinéma peut être un puissant outil d’expression, d’éducation et de culture. C'est suivant cette philosophie que les ateliers vont se dérouler. 

Du 21 au 28 mars : Mariage "par don" ou mariage "forcé" ?
Tous les groupes ont maintenant commencé à rédiger le scénario de leur film. Ils se sont vite rendus compte de la masse de travail à fournir pour aboutir au résultat final. La semaine a été marquée par un débat long et animé avec les élèves de première à propos du mariage forcé, ou selon leurs termes "le mariage par don". Sur une quinzaine de participants, seules quatre personnes dont les deux uniques filles présentes étaient contre le mariage forcé. Nous avons longuement débattu ensemble et même s'ils n'admettent pas la possibilité de changer d'avis (notamment par fierté des traditions africaines, par peur de perdre la culture traditionnelle et aussi par machisme, étant donné que l'égalité homme/femme est un concept inconcevable ici - nous reviendrons dans un autre article sur le statut de la femme burkinabée-), ce moment d'échange les a fait réfléchir. D'autant plus que Claudine, membre d'ADRI, est intervenue pour soutenir la minorité et exprimer son point de vue de femme Mossi. 
Mickaël
Personnellement, nous avons été surpris avec Anca par le poids et l'ancrage de certaines traditions parmi les jeunes, élèves ou étudiants. Nous nous attendions, étant donné le niveau de leur éducation et leur possibilité d'ouverture vers d'autres cultures, à des propos plus mesurés et plus en adéquation avec la liberté individuelle. Au lieu de cela, ils avancent  tous l'argument (les hommes) que le "mariage par don" organisé par les familles, indépendamment de l'avis de la femme, est plus "solide", plus "durable". Nos arguments en faveur du mariage libre n'ont pas manqué : défense de la liberté individuelle de choix, égalité entre les hommes et les femmes, problèmes des grossesses non désirées, déresponsabilisation de l'individu, de la gestion de sa vie, considération de la femme en tant que telle et non comme "machine à faire des enfants"... Au final, même si un changement d'opinion prendra du temps, ce débat a permis de faire réfléchir les jeunes. D'autre part, le groupe ayant souhaité travailler sur le respect des traditions a changé spontanément son angle de traitement pour aborder cette fois l'exode rural et la perte de certaines traditions (les sacrifices, les croyances, la mode vestimentaire...). 
Parmi les autres thèmes des films : le problème des orphelins, l'inégalité homme/femme, le divorce, et la discipline à l'école.

Du 28 mars au 17 avril : Changement de cap
De nouvelles difficultés sont apparues : problème de disponibilité des élèves qui rattrapent les congés anticipés dus à la situation politique et sociale du pays, mort du chef de la commune, désinformation... Du coup, devant l'impossibilité à réaliser tous les films dans le temps  imparti, les jeunes ont choisi trois thèmes parmi ceux qu'ils avaient proposés. 
Un groupe a commencé à tourner un documentaire sur la déforestation. Un autre travaille sur l'exode rural et un troisième sur la discipline à l'école.
Parmi les anecdotes marquantes, les jeunes ont filmé pour la première fois avec une caméra. Ils ont découvert ce qu'était un tournage avec un caméraman, un preneur de son, et toute l'organisation qui y incombe. Les voir manipuler la caméra et jouer la comédie était un vrai bonheur. Bientôt des extraits de leurs films !





Du 17 avril au 14 mai : Action... Ça tourne ! 
Pour le film de fiction sur l'exode rural, les jeunes ont cherché des acteurs quand eux-mêmes ne pouvaient pas jouer. Ils ont repéré les lieux de tournage et ce dernier a pu commencer. Nous avons tourné trois samedi matin avant d'avoir toutes les séquences du film. Pendant le tournage, le sérieux des jeunes m'a surpris. Tant du côté des comédiens que des réalisateurs, ils étaient vraiment très impliqués et très sérieux dans leur travail.

Le tournage du film documentaire a été selon moi plus instructif pour les jeunes. D'une part, ils ont été obligés d'aller vers des personnes à qui ils n'auraient jamais parlé en temps normal : le pépiniériste, les femmes arrêtées par le forestier, les vendeuses de bois... D'autre part, ils se sont mis dans la peau de journalistes en préparant et en posant des questions aux personnes rencontrées. Cette préparation des entretiens n'a pas été sans difficulté puisque les jeunes ne savaient pas en général par où commencer, ni comment vraiment poser les questions. Toutefois, au fil des entretiens, nous avons noter une très grande amélioration au niveau du contact humain et des questions posées. Les jeunes étaient de plus en plus à l'aise avec les gens et leurs questions de plus en plus justes et pertinentes. De même, le maniement de la caméra et le cadrage devenaient plus naturels.

Les tournages se sont achevés une semaine avant la soirée de clôture du projet. Du fait du peu de temps qu'il restait, moi-même et Brahima avons effectué le montage et le sous-titrages des films. Les jeunes ont quand même pu appréhender globalement le logiciel de montage et voir en quoi cette étape consistait en pratique.

Parmi les principales difficultés rencontrées (hormis le manque d'électricité), le peu de moyens que nous avions (2 petites caméras DV et un ordinateur pour le montage) a eu pour conséquence un turnover rapide sur les différents postes occupés par les jeunes pendant le tournage. En effet, même si ceux-ci ont pu appréhender à tour de rôle le poste de cadreur, de preneur de son et de réalisateur, chacun a passer un temps restreint à son poste afin que chacun puisse filmer, poste qui les intéresser le plus. Par ailleurs, le fait que les jeunes n'aient pas accès au cinéma et à la télévision fut un gros handicap. En effet, ils avaient vu peu de films, si ce n'est les films de karaté et les films d'action hollywoodiens de seconde zone. De fait, leur regard et leur perception du cinéma était peu développée. Or, il est encore plus difficile de réaliser un film lorsqu'on n'a pas vu beaucoup de films avant. La base de la réalisation cinématographique est avant tout le fait de voir des films, encore et encore. Malgré cet handicap, les jeunes s'en sont quand même très bien sortis.
Lors de la soirée de clôture, nous avons projeté les deux films réalisés. Les jeunes étaient manifestement très contents et surpris de se voir à l'écran et du résultat final. Ils ont pu s'exprimer chacun leur tour à la fin des projections sur l'expérience vécue et la réalisation des films. Ces témoignages ont été accompagné d'une ribambelle de remerciements qui nous a beaucoup touchée.

LES FILMS RÉALISÉS A KOKOLOGHO

TIIGA NE LAARE (Le plant et la hache) / Documentaire, 17'03 min
A Kokologho, et plus généralement dans les régions rurales du Burkina, le bois est un élément essentiel de la vie quotidienne car il permet aux populations de cuisiner. Problème : la coupe du bois est interdite et la forêt se réduit de jour en jour.


 
BEENE (Là-bas) / Fiction, 24'05 min
Tanga vit dans un petit village avec toute sa famille. Face aux difficultés quotidiennes du monde rural et influencé par ses amis, Tanga décide un jour de tout quitter pour tenter sa chance en ville.



OUAGADOUGOU / du 16 mai au 5 juin 2011

Sept jeunes ont participé à l'atelier qui se déroulait chaque matin de 8h à 12h pendant trois semaines, du 16 mai au 5 juin. Du fait du nombre réduit de participants et de conditions matérielles plus adéquates (électricité), les jeunes ont pu prendre pleinement conscience et appréhender de manière directe la réalisation d'un film.
Après l'apprentissage de notions théoriques (cadrage, échelle des plans, histoire du cinéma, grandes tendances, différence entre fiction et documentaire de création...), nous sommes rapidement passés à des exercices pratiques.
Les jeunes se sont emparés de la caméra et ont tour à tour pu appréhender toutes les possibiltés de la caméra et du film à travers l'exercice du « tourné-monté ». Cet exercice consiste à imaginer dans sa tête un petit scénario et à le mettre en scène immédiatement en réalisant le montage et l'organisation des plans tout en filmant. Les jeunes ont beaucoup apprécié ce genre d'exercice pratique, très utile avant de passer à l'étape du tournage.
A ma grande surprise, les trois-quarts des participants souhaitaient réaliser un documentaire. C'est ainsi que deux groupes de documentaristes se sont formés et ont travaillés chacun sur un thème qu'ils avaient choisi. Un groupe a réfléchi au traitement audiovisuel de la vie chère, et l'autre a choisi un sujet plus philosophique et plus abstrait, à savoir la marche.
Le troisième groupe a travaillé sur une fiction et a souhaité parler des relations virtuelles et de l'amour par Internet.
Après une première semaine consacrée à l'écriture des scénarios et aux exercices pratiques, chaque groupe est parti successivement en tournage. Une caméra n'ayant pas survécu à la chaleur de Kokologho, il ne restait plus qu'une seule caméra à disposition.
Le temps de tournage fut relativement court et nous sommes ensuite passés au montage de leurs images. Là aussi, ils ont eux-mêmes monté le film sur le logiciel professionnel Final Cut Pro. Après une prise en main hésitante, ils ont tous pu expérimenter les possibilités du montage numérique.
Ne disposant que d'un seul ordinateur équipé du dit logiciel, les trois groupes se sont relayés durant toute une semaine pour réaliser le montage.
Plus habitués aux images qu'elles soient télévisuelles ou cinématographiques, le regard et la réflexion filmique des jeunes Ouagalais étaient beaucoup plus développés que chez les jeunes de Kokologho. C'est là qu'on note l'importance de voir des films et toutes sortes d'images animées avant de réaliser un film par soi-même.
Satisfaits et surpris par le résultat final, les jeunes ont présenté leurs films lors de la soirée de clôture devant une cinquantaine de personnes.
Cet atelier d'initiation à la réalisation de films a vivement relancé le désir de la Compagnie Marbayassa de mettre en place une unité de production au siège de l'association. En effet, les idées de films ne manquent pas du côté des jeunes chez qui cet atelier a suscité l'envie de continuer à réaliser des films.
Ainsi pour ceux qui souhaitent continuer à apprendre et à se former, je leur ai fait rencontré Salam Zampaligré, jeune réalisateur burkinabé, étudiant à l'Institut de l'Image et du Son, une des deux écoles de cinéma de Ouagadougou. Celui-ci a répondu à leurs questions et les à orienter vers différentes possibilités de formation : IMAGINE, l'Institut de Formation de Gaston Kaboré, le « papa » du cinéma burkinabé, AFRICADOC, CINE DROIT LIBRE...


LES FILMS RÉALISÉS A OUAGADOUGOU

VIIMA... (Vivre...) / Documentaire, 7'27 min
L'augmentation des prix des produits de première nécessité est une réalité depuis quelques années au Burkina Faso. Dans la boutique d'Alassane à Ouagadougou, les clients s'expriment sur cette difficulté à vivre au quotidien.

@mour ? / Fiction, 5'40 min
Une jeune burkinabé entretient une liaison par Internet avec un certain James Smith.



THE STEP / Documentaire, 13'00 min
Albert est handicapé. Ce qui ne l'empêche pas de marcher vers son objectif.