Théâtre




"Je désirais planter un petit arbre de théâtre quelque part."
Antoine Vitez, metteur en scène français

              ETAPE 2 / 2012              

OUAGADOUGOU
Des nouvelles des ateliers très bientôt....




KOKOLOGHO  


              ETAPE 1 / 2011                 

KOKOLOGHO / du 15 mars au 14 mai 2011
Pour les ateliers de théâtre 80 enfants ont été choisis par les instituteurs et proposés à l’association ADRI qui a ensuite établi des listes bien avant notre arrivée. Deux villages de la commune sont concernés : Kokologho et Sakoinsé, chacun avec deux écoles participantes et 40 enfants retenus. La sélection des enfants n’a pas été évidente, nous ont témoigné les instituteurs, car tous voulaient participer. Or la durée limitée du projet et l’emploi du temps des élèves qui a priori n’ont que le jeudi après-midi et le samedi de libre, font que tous les enfants ne pouvaient malheureusement pas bénéficier de cette activité. Toutefois le contexte actuel avec la fermeture des écoles joue sur le déroulement du projet avec un avantage et un incovénient : d’une part les enfants ont plus de temps libre mais d’autre part beaucoup d’entre eux sont absents soit parce qu’ils doivent aider leur parents à travailler, soit parce qu’ils ne sont pas dans le village pendant la période des congés. Certains des enfants non sélectionnés ont pu en profiter et remplacer les absents comme ça a été le cas à Sakoinsé mais pour l’instant à Kokologho il y a un effectif d’environ 15 enfants sur 40 prévus.

Mise à part cette situation les ateliers ont bien demarré et les enfants commencent peu à peu à s’habituer à la jeune « nansarra » (blanche) qui les anime. D’une docilité impressionante pour moi habituée aux petits européens, les enfants burkinabés connaissent très bien la notion de discipline et « exécutent » tout ce qu’on leur demande. Cet aspect quoi que positif car je n’ai pas à me soucier du maintien de l’ordre dans le groupe est aussi handicapant car ils ne sont pas familiarisés avec la libre expression et parfois ne se lâchent pas facilement. Il y a aussi le barrage de la langue. Même s’ils sont scolarisés, beaucoup des enfants en primaire ne comprennent pas bien le français et le parlent très peu ; ce qui rend nécessaire avec certains groupes la présence d’un interprète qui explique les exercices en mooré.
Il y a quelques autres difficultés à surmonter comme le fait que la plupart d’entre eux n’ont jamais vu ni un spectacle de théâtre ni une salle de théâtre, beaucoup des exercices ont dû être adaptés au travail en plein air à cause du manque d’espace et de la chaleur, sans parler du fait que la concentration n’est pas évidente quand on mange parfois un seul repas par jour et qu’on peut remarquer chez certains les signes de la malnutrition. Cela m’a amené au début à m’interroger sur le sens même de ces ateliers… Ils ont tellement d’autres besoins plus importants que je ne trouvais plus le sens du théâtre. Alors je me rappelle de Jacques Brel qui voyait sa musique non pas comme une solution aux problèmes des gens mais plutôt comme une aspirine. Et à chaque fois qu’on est ensemble et que je vois ces enfants rire, que je croise leur regard qui exprime malgré tout l’insouciance de l’innocence, je me dis la même chose. La motivation et l’intérêt de ces petits sont impressionnants. On commence à 7h30 du matin avec le premier groupe. Lorsque j’arrive ils attendent toujours impatients et quand l’atelier est fini ils mettent du temps à partir.

Pour l’instant on n’a pas pris de photos du travail en atelier car je voulais qu’on se connaissent d’abord et qu’ils soient plus à l’aise avec moi, mais pendant les ateliers suivants on essayera d’enregistrer quelques images des petits comédiens mossi !

Du 21 au 27 mars : Nous sommes tous des arbres plantés quelque part 

Malgré le fait qu'à Kokologho il y a moins d'enfants que prévu en raison des congés anticipés, les ateliers de théâtre se poursuivent et petit à petit les enfants commencent à s'habituer à moi. La couleur de la peau a un impact assez important. Même s'ils participent constamment et même s'ils respectent toujours les consignes, j'ai remarqué lors d'une séance que certains enfants avaient peur de moi...peur dans le sens propre du terme car dès que je m'approchais un peu trop d'eux, ils changeaient de place, reculaient ou se cachaient derrière le collègue à côté. Ca m'a fait bizarre, j'avoue, car j'aime tellement les enfants et je suis habituée à ce qu'ils viennent facilement vers moi. Depuis que je suis ici, les petits de 2-3 ans pleurent à chaque fois qu'ils me voient et certains enfants en primaire ont peur de me toucher...
Je me suis donc dite que cette barrière devait être franchie rapidement pour que le travail puisse avancer. A la fin d'une séance, nous nous sommes assis tous à l'ombre d'un karité juste pour discuter. Claudine, membre d'ADRI qui m'accompagne lors des ateliers, faisait la traduction pour ceux qui ont des difficultés à comprendre et à s'exprimer en français, c'est-à dire la plupart. 
Je leur ai donc demandé pourquoi ils avaient peur de moi. 
Ils m'ont répondu: "Parce que vous êtes blanche!"
Je leur ai proposé alors de comparer mon corps avec le leur, de voir combien d'orteils, de doigts, d'oreilles, de nez, de bouches j'avais... A ma surprise ils ont commencé à compter réellement mes orteils, mes doigts et à analyser mon corps. 

Gladys
Alors je leur ai demandé: à part la couleur de la peau qu'est-ce qu'il y a de différent entre nous? Ils m'ont répondu: "la langue". Oui, je leur ai dit mais si vous allez à Bobo, on ne parle pas le mooré là bas non plus. Alors quoi d'autre y-a-t-il de différent entre nous? Et ils m'ont dit: "les cheveux"! J'ai dû leur expliquer alors que sur mon continent, l'Europe, le soleil brille moins fort qu'ici et que depuis toujours, sur ce continent les gens sont nés blancs, mais que comme eux nous n'avons choisi ni notre couleur de peau, ni notre lieu de naissance. Néanmoins, l'endroit où nos ancêtres sont nés et où nous sommes nés aussi fait que nous n'avons pas tous la même couleur de peau mais qu'à part cela, nous sommes tous pareils! Ils m'ont demandé alors si chez moi tout le monde avait les cheveux comme ça. J'ai répondu que non, il y a des gens qui ont les cheveux très noirs aussi et même très bouclés et que dans le monde il n'y a pas que des gens très blancs comme moi ou très noirs mais qu'il y a plusieurs couleurs de peau, de cheveux, des yeux...
Je leur ai demandé s'ils préféraient qu'il y ait une seule et unique sorte d'arbre sur la terre ou plusieurs. La réponse est venue naturellement: "Non, c'est plus joli quand les arbres sont différents et qu'il y a plusieurs sortes de fruits aussi".

L'explication a plutôt bien fonctionné. Nous sommes comme des arbres, petits, grands, avec des fruits différents mais nous sommes tous bien. Finalement, ils avaient l'air bien contents d'être nés en Afrique car les "nansarra" ont quand même les cheveux assez bizarres :) 


Toujours en train de se découvrir les uns les autres, nous avons commencé à travailler ensemble à partir des contes. A la fin d'une séance, les enfants ont raconté les contes qu'ils connaissent et qu'ils aiment bien et lors de la séance suivante, nous avons commencé à faire une petite mise en scène là-dessus. 

Pour vous mettre un peu dans l'ambiance voici un des contes que les enfants ont choisi de partager avec moi: 


Conte raconté par Hamidou


Hamidou
 Un jour dans la brousse, le lièvre organise une réunion de tous les autres animaux pour discuter ensemble d'une question de vie et de mort. Tous les animaux honorent la convocation et se présentent à la réunion.
Le lièvre prend alors la parole et leur dit: 
- Mes chers amis, la situation est grave! Nous sommes confrontés à un grand problème. Nous savons tous ici que nous n'avons qu'un seul point d'eau dans la brousse et que depuis que le lion s'est installé là bas, à chaque fois il nous guette pour faire de nous son repas. 
- Oui c'est vrai, disent les autres animaux, ça devient de plus en plus difficile de s'abreuver en sécurité. 
- Écoutez-moi bien, dit le lièvre, j'ai trouvé une solution à ce problème. Je vous demande seulement de vous mettre bien à l'abri et de me laisser faire. Avez-vous confiance en moi? 
- Oui, répondent les animaux, nous avons confiance en toi. 
 

Le lendemain, le lièvre se dirige vers le point d'eau tout en criant de toutes ses forces:
-Oh, quel grand vent va arriver! Il se met à ramasser des fibres par terre et continue à crier: 
Un grand vent va arriver!   
Le lion en le voyant l'arrête: 
- Pourquoi cries-tu comme ça, qu'est-ce qui t'arrives?
- Un grand vent va arriver et va tout emporter. 
- Ah!!! Et tu fais quoi avec toutes ces fibres?
-Je ramasse des fibres pour bien m'attacher pour qu'il ne m'emporte pas, dit le lièvre.
A ce moment-là le lion lui répond:
-Tu vas m'attacher moi d'abord et tu as intérêt à bien le faire, si non je te tue! 
Le lièvre commence à attacher le lion avec les fibres. A la fin celui-ci vérifie qu'il soit bien attaché lorsque le lièvre appelle tous les animaux:
- Venez boire, le lion est attaché! venez boire, venez boire!
Tout de suite, les animaux sortent de leurs abris et viennent tous s'abreuver pendant que le lion reste attaché. 

La morale de l'histoire: A quoi bon la force si on n'est pas malin? 




EXERCICES ET LE CONTE DU LIEVRE


CAUSERIES AVEC LES ENFANTS

 


Pascal
Marie

Koudoussi
Toussaint
Patrice
Abel
Marie, Priscile et Gladys

Patrice et le tam-tam
Au mois d'avril les ateliers ont continué avec les enfants de Sakoinsé et de Kokologho malgré quelques obstacles. La mort du chef de la commune de Kokologho a fait que pendant quelques jours les activité ont cessé. Ensuite nous avons été obligés de reporter quelques séances à cause d'une compétition inter-scolaire de football à laquelle tant les garçons que les filles ont participé activement. Mais tout cela ne nous a pas empêché d'avancer dans notre travail et nous avons même commencé à construire et à mettre en scène des courtes histoires. Lors des dernières 3-4 séances j'ai apporté des instruments de musiques et ça a été un plaisir de voir la joie des enfants, leur attachement à la musique et la facilité avec laquelle certains d'entre eux, nombreux même, arrivent à jouer. 
Je suis contente car les parents commencent à s'intéresser à l'atelier de théâtre. Les enfants m'apportent des mangues qu'ils ont soigneusement cueillis avec leur parents et il y a deux jours j'ai été même arrêtée au marché de Sakoinsé par le papa d'une de mes élèves. Fatou lui avait parlé de la blanche qui fait du théâtre avec eux et il tenait à me rencontrer. En me croisant il s'est présenté et m'a dit: "Vous savez Madame, maintenant ce sont vos enfants aussi et Fatou vous aime beaucoup."
Ses mots m'ont beaucoup touché car j'aime bien penser qu'à travers les moments que nous passons ensemble et les exercices de théâtre, nous avons effacé un peu la peur de l'inconnu et brisé cette barrière de la langue, de la culture mais aussi de la couleur de peau qui existait au début. Aujourd'hui ce sont un peu mes enfants aussi!
La semaine prochaine, une amie comédienne de Ouaga, nous rendra visite à Sakoinsé et Kokologho et interviendra dans le cadre des ateliers. Elle assistera aux répétitions de notre courte pièce, leur apprendra de nouveaux exercices et leur parlera du métier de comédien. En plus il n'y aura pas besoin de traduction, elle leur parlera en mooré.





Hamidou




Merci Nadège! 
Dernièrement nous avons eu quelques difficultés à accéder à l'internet mais j'en profite aujourd'hui pour mettre en ligne quelques photos de l'intervention de Nadège. Comme prévu, Nadège Ouedraogo, comédienne burkinabée, nous a rendu visite à Kokologho et a travaillé pendant toute une journée avec les enfants. Les enfants ont adoré et moi aussi.


Et j'ai planté un petit arbre de théâtre quelque part...
Le temps ici n'a pas toujours le même sens que chez nous mais il passe quand même et il guide nos pas vers d'autres horizons...Le 14 mai, le projet dans la commune de Kokologho a pris fin. Lors de la soirée de clôture les 55 enfants de Sakoinsé ayant participé aux ateliers de théâtre ainsi que les enfants du village de Kokologho ont été emmenés dans la journée au siège de l'association. Assis sur des bancs dans un véhicule à remorque on a chanté tout le long du trajet. Ensuite, arrivés au siège d'ADRI où tout était mis en place pour la cérémonie, on a répété et dessiné jusqu'à l'arrivée du public.

Et que le spectacle commence! 
Une scène a été improvisée dans la cour de l'Association, en guise de rideau deux draps blancs accrochés à deux bouts de bois mais il n'y avait même pas besoin de plus. Les enfants ont embelli les draps avec des dessins et quelques lampes à pétrole ont servi de lumière sur scène car à 18h30 la nuit commençait à tomber.
Les petits comédiens étaient prêts derrière le rideau et moi j'étais stressée comme une mère  oiseau qui voit ses poussins voler pour la première fois...Mais leur vol était beau à voir et j'étais fière d'eux. Les mêmes enfants qui avaient peur de moi, qui avaient peur de parler devant les autres ont joué comme des artistes et à la fin ils ont salué le public comme des professionnels.
Mon grand regret: On n'a pas pu prendre des photos du spectacle ni les filmer car il faisait déjà nuit et la lumière des lampes n'a pas été suffisante pour les appareils. Mais je me dis que de toute manière tout est enregistré dans nos esprits.

Après les spectacles, nous avons tous regardé les films réalisés par les jeunes, mangé du riz et visionné jusqu'à s'endormir des films de Charlie Chaplin. Le rire des enfants résonnait dans la cour! Tous les enfants sont restés dormir au siège, allongés sur des nattes posées un peu partout. Et le lendemain matin, après le déjeuner, nous les avons emmenés chez eux. Je leur ai dit "au-revoir" et j'ai pleuré comme une gamine de tristesse et de bonheur à la fois . Mais je sens que j'ai planté un petit arbre de théâtre quelque part et j'espère qu'il poussera bien grand.
Et aujourd'hui leur rire résonne dans ma mémoire. 

OUAGADOUGOU / du 16 mai au 5 juin 2011
 
Le projet d'ateliers à Ouagadougou s'est déroulé sur une période de 3 semaines, du 15 mai au 5 juin. Cette durée inférieure à celle de l'étape effectuée à Kokologho n'a pas affecté l'atteinte des objectifs prévus. La plus grande disponibilité des jeunes et des enfants de Ouagadougou nous a permis de mener un travail tout aussi développé.
Les ateliers de théâtre ont eu lieu dans deux endroits différents et j'ai été accompagnée régulièrement par Jules Gouba, comédien de la Compagnie Marbayassa.
Ainsi le jeudi matin et le samedi matin nous avons travaillé avec 44 élèves de l'école primaire Gounghin Nord A et B. Les élèves étaient partagés en deux groupes de travail, ayant la possibilité de rencontrer chacun des groupes deux fois par semaine. L'école Gounghin Nord étant très engagée sur le plan culturel, les élèves étaient beaucoup plus familiarisés avec le théâtre ainsi qu'avec d'autres activités artistiques même s'ils ne disposaient que des notions élémentaires.
En dehors de l'école Gounghin Nord, nous avons mené les ateliers avec un troisième groupe de 20 enfants entre 8 et 13 ans provenant du quartier Gounghin Secteur 9, quartier dans lequel la Compagnie Marbayassa réside et travaille depuis plusieurs années.
Le théâtre n'étant pas organisé dans un cadre scolaire, les séances avec ce groupe se sont déroulés 3 à 4 fois par semaine à partir de 17h30 et jusqu'à 19h au siège de la compagnie Marbayassa.
De la même manière que pour les ateliers à Kokologho et Sakoinsé, nous avons commencé par des exercices d'expression corporelle, travail sur la voix, mise en espace, construction de personnage et improvisations. Le contact avec les enfants a été néanmoins simple depuis le début, du d'une part à leur environnement et à leur familiarisation préalable au théâtre et d'autre part à la bonne connaissance de la langue française. 
 
Les élèves de l'école Gounghin Nord étant déjà impliqués dans la construction d'une pièce de théâtre scolaire sous la direction de leurs professeurs, les ateliers ont eu pour but d'accompagner les cadres didactiques dans leur travail et de leur fournir des outils dont ils pourraient se servir pour leurs prochaines mises en scène. Nous avons constaté que les professeurs disposaient de beaucoup de bonne volonté mais manquaient de connaissances en ce qui concernent les exercices de théâtre ou les notions de mise en scène.
Le groupe du quartier de Gounghin a quant à lui, bénéficié d'un travail plus approfondi. Les enfants ne connaissaient le théâtre que sous la forme des spectacles de sensibilisation qu'ils avaient déjà eu l'occasion de voir. Nous avons profité ainsi de la grande disponibilité des enfants ainsi que de leur enthousiasme et curiosité pour leur permettre de découvrir autrement ce moyen d'expression artistique. Suite aux séances d'exercices, nous avons commencé la mise en scène d'un spectacle à partir d'une discussion avec les enfants autour des sujets qui les intéressaient. Le spectacle créé traite ainsi de l'absurdité de la guerre telle qu'elle est vue par les enfants, avec beaucoup d'humour mais aussi avec beaucoup de lucidité.
Le 4 juin au siège de la Compagnie Marbayassa, les enfants du quartier ont pu présenter leur création sur la scène destinée aux représentations de la compagnie. La soirée de clôture s'est déroulée en présence des parents, habitants du quartier, élèves de l'école Gounghin Nord A et B ainsi que des jeunes ayant participé aux ateliers de cinéma.